Accident de décompression

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Les zones favorables à l'accident de décompression
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Symptômes

6/ Causes, facteurs favorisants


Malgré toutes les inconnues dont nous venons de parler, les procédures de décompression sont très fiables, le nombre d'accidents réellement immérités est faible. L'accident de décompression est souvent le résultat d'une faute directe ou plus sournoisement d'une accumulation de facteurs favorisants, qui pris isolément auraient été sans conséquences.

Certaines situations sont connues pour faire varier ces paramètres dans le sens d'une plus grande vulnérabilité à l'accident de décompression.

6.1/ Les fautes directes


Nous mettons sous ce terme les erreurs ou omissions qui font que le plongeur n'a pas, consciemment ou non, respecté la procédure de remontée préconisée.

La vitesse de remontée

La vitesse de remontée fait partie intégrante de la procédure, à égalité avec les paliers. Cette vitesse est difficile à contrôler, ce qui fait qu'elle est souvent dépassée. Par ailleurs beaucoup de plongeurs négligent son importance et croient que faire les paliers suffit. Une grande quantité des accidents de décompression vienent de ce non respect de la vitesse de remontée.


Le non respect des paliers

A priori personne ne devrait être assez fou pour sauter volontairement ses paliers. Pourtant les circonstances provoquent parfois cette faute : panne d'air, essoufflement, pas de maîtrise de l'arrêt à 3 m en remontée à 2 ou à la bouée, forte houle, plongeur perdant sa palanquée et n'ayant pas de tables ou de profondimètre, ordinateur qui tombe en panne, plongeur sortant de la table MN90...

Tous ces exemples ne sont pas théoriques : je les ai tous vus personnellement.
Ces calamités ne se produisent pas par hasard : elle sont la conséquence d'imprudences dans l'organisation ou la conduite de la plongée.

  • La panne d'air s'évite par le contrôle de la pression dans la bouteille et la programmation de la plongée (calcul d'autonomie). De plus quand on est dans la zone des plongées à paliers on n'accorde pas une confiance aveugle à la réserve (sauf si on aime vraiment l'aventure).

  • Nous avons déjà longuement parlé des préventions de l'essoufflement.

  • Des creux de 1 m qui empècheront de faire le palier de 3 m, cela se prévoit avant la plongée.

  • Le matériel se prévoit en fonction de la possibilité d'avoir ou non des paliers à faire : si le fond et l'autonomie du bloc permettent de sortir de la courbe tous le monde devra avoir la possibilité de calculer son palier individuellement, ou au moins, avoir des consignes permettant de limiter les dégâts.

  • Quand on se promène avec un ordinateur à 5000 francs on peut bien s'offrir pour 30 francs de tables.

  • Quand on joue l'artiste aux alentours de 65 m on programme sa plongée et on surveille sa profondeur.

  • Certaines techniques d'organisation de plongée et un peu de bon sens permettent d'éviter la majorité des cas de non respect du palier.

    6.2 La profondeur

    Il est intuitif que plus une plongée est profonde, plus elle implique une décompression sévère : plus on descend, plus on dissout de l'azote et plus on le fait vite. A titre d'exemple à 20 m il faut environ 2 h pour dissoudre 2,5 l (détendu à un bar) d'azote, à 40 m, 15 minutes suffisent.

    Cette quantité d'azote de 2,5 l commence à correspondre à des dégazages très importants, donc à des accidents graves (Michaud). La courbe représentant le temps pour dissoudre ces 2,5 l est représentée figure 10 (haut). Cette courbe étant assez variable nous l'avons représentée sous la forme d'un large bande grise. Il est intéressant d'y superposer la courbe d'autonomie d'un bloc classique : avec le même matériel vous vous exposez à des accidents beaucoup plus graves en atteignant la zone des 40 m.


    On constate aussi que les plongées profondes provoquent un part plus grande d'accidents de décompression médullaires et cérébraux. Un bend vous fait mal, un accident de décompression cérébral ou médullaire vous tue ou vous paralyse à vie. En traduisant (un peu à la hache à vrai dire) en fonction de la profondeur les statistiques d'accident de l'US Navy on peut extraire les tendances de la figure 10 (bas).


    De plus il faut noter que les plongées profondes augmentent la probabilité et les conséquences d'une faute technique (essoufflement, panne d'air)

    La profondeur rend les accidents plus fréquents et plus graves.En favorisant l'accident de décompression et le tiercé "essoufflement-narcose-noyade", la profondeur est la première cause d'accidents graves en plongée.


    6.3/ Les conditions de la plongée


    Les tables ont un domaine d'emploi. Nous rappelons quelques régles élémentaires :

  • Utilisation d'une protection thermique adaptée à la température de l'eau. Le froid quand il atteint le stade du frisson continu, n'est plus seulement un désagrément, c'est un danger.

  • Pas d'effort au fond plus grand que celui correspondant à une nage à 1/2 noeud. Les tables du ministère du travail (MT 74, bientôt remplacées) sont les seules qui permettent le travail. Nous rappelons que c'est à la suite de trop nombreux accidents graves que ces tables ont été crées. Il n'est pas mauvais de les utiliser en plongée sportive pour les cas un peu "durs" : courant, froid...

  • Un essoufflement en profondeur avec les anomalies de ventilation et l'hypercapnie qu'il provoque est un facteur favorisant possible.

  • Le profil de la plongée influe également sur la qualité de la
  • décompression : les profils montants (prof. maxi en début de plongée puis lente remontée) sont connus pour être moins sévères que les profils carrés (prof. constante), les plongées "ascenseurs" sont connues pour être plutôt mauvaises. Les plongées "dans la courbe" sont meilleures que celles à paliers et parmi les plongées à paliers, les plongées les plus profondes sont les plus sévères...

    Sans être d'une rigueur absolue la figure 11 permet de placer approximativement les plongées en combinant les différents critères.

    6.4/ La deuxième plongée


    La 1ere décompression, même non pathologique, est une agression elle peut perturber la 2éme désaturation d'une manière suffisante pour causer un accident de décompression. C'est vrai même si la première plongée à été totalement normale, mais c'est particulièrement critique si la première décompression à été "limite" (voir paragraphe précèdent) et quelle a provoqué une maladie de décompression imperceptible.


    La procédure de calcul des plongées successives est moins fiable que celle des plongées simples. Il faut en tenir compte dans l'organisation des journées de plongée : la plongée la plus dangereuse doit ête placée en début de journée.


    6.5/ l'état physique du plongeur.


    Nous avons suffisamment parlé de l'importance de la physiologie dans le mécanisme de l'accident de décompression : il est clair que tout ce qui éloigne le plongeur de la situation type pour laquelle les tables ont été calculées est susceptible de favoriser un accident de décompression. L'homme MN90 moyen, le vrai, celui qui n'existe pas mais pour qui les tables sont faites, a les caractéristiques suivantes :


  • 74 Kg à + 800 g près
  • 1,759 m à = 57 mm prés
  • 32,3 an à = 6,1 an près
  • Sexe-Mâle (sans la moindre approximation)

  • N'est ce pas émouvant une telle précision statistique ?

    De façon plus terre à terre, on cite classiquement les facteurs favorisants suivants :

  • Age
  • Obésité
  • Fatigue
  • Maladie ou traitement médical.

  • Beaucoup plus souvent oublié il y a aussi :

  • Le manque d'entraînement à la plongée :

  • Un débutant ou un plongeur qui ne prend pas le temps de se réadapter va avoir des réactions différentes de celles d'un plongeur démineur en grande condition physique. Il supportera moins le froid, sa ventilation sera inadaptée et la dissymétrie saturation/désaturation sera très grande.


  • Les accidents antérieurs :

  • Les accidents (accidents de plongée, traumatismes, opérations chirurgicales...) laissent des séquelles qui sont des zones favorables à l'apparition des bulles (même si la récupération semble complète)..La circulation est localement perturbée, les parois des vaisseaux détériorées, le tissu cicatriciel n'a pas les mêmes caractéristiques que l'original. Tout cela crée une zone favorable à un nouvel accident de décompression. Il a par exemple été constaté une génération de bulles plus importante au niveau des séquelles d'un traumatisme du poignet.


    Pour les accidents de décompression neurologiques il y a presque forcément des destructions permanentes : les neurones sont des cellules qui ne se regénérent pas et s'il y a récupération fonctionnelle complète c'est en mettant en oeuvre des circuits de transmission nouveaux, pas en réparant les anciens. Malheureusement les circuits de secours possibles ne sont pas en nombre infini et un deuxième accident pourrait bien être irrécupérable. Ceci ajouté la création d'une zone favorable au dégazage fait que la reprise de la plongée pourra être interdite.


    Un surpression pulmonaire (même limitée) entraîne des modifications définitives et importantes de toutes les fonctions vitales (échanges gazeux et circulation). La surpression est une contre indication absolue à la reprise de la plongée.


  • Les prédispositions individuelles.

  • Il semble bien que certaines personnes soit plus sujettes à l'accident de décompression que d'autres (il y des sujets "bulleurs" et d'autres moins), un premier accident (surtout un accident réellement immérité) doit inciter à la prudence.


    6.6/ Les erreurs d'instruments


    Le calcul des paliers se fait à partir de 2 paramètres : temps et profondeur, si ces paramètres sont mesurés avec des erreurs, les paliers calculés seront faux. La mesure du temps ne pose généralement pas de problème, par contre la mesure de la profondeur est plus délicate.

    Les profondimètres ne sont pas toujours aussi fiables que ce qu'ils devraient :

  • Profondimètre mécanique.
  • les profondimètres mécaniques peuvent donner des erreurs de mesure assez impressionnantes : il est classique de voir un profondimètre indiquer 3 m sur le pont du bateau, ce qui n'est pas trop grave si vous êtes capable de déterminer votre profondeur de palier à vue mais qui devient plus embêtant au palier de 6 m. Quand il est neuf un profondimètre mécanique est garanti (en moyenne) pour une précision de ±5% de la valeur de la mesure. En clair quand vous lisez 60 m vous êtes probablement entre 57 m et 63 m. D'autre part, ces instruments vieillissent mal : un vieux profondimètre donne facilement des erreurs de ±10%.


    Attention à cette cause d'erreur : elle n'est pas corrigible par le
    plongeur : les erreurs ne sont pas répétitives pour un même instrument. Les erreurs de profondimètres ne pardonnent pas beaucoup en profonde.

    Ces temps ci on voit apparaître des profondimètres numériques, ces appareils sont en très net progrès par rapport aux mécaniques aussi bien pour la précision du neuf que pour la tenue dans le temps et la fiabilité, ils devraient s'imposer pour la plongée sérieuse.


  • Ordinateur
  • La plupart des ordinateurs ont un calage automatique de la profondeur zéro (pression atmosphérique),ceci afin de pouvoir fonctionner en altitude. Le calage peut être manuel (le plongeur appuie sur un bouton en début de plongée),soit automatique (l'ordinateur cale son zéro quand il détecte le début de la descente). Dans le cas du zéro automatique il y a parfois des surprises : parfois l'ordinateur ne détecte pas correctement le début de la descente et ne se déclenche qu'à partir de 5 ou 15 m. En général l'erreur est visible, le décalage de la profondeur est très sensible. Encore faut il connaître son matériel, le surveiller et être capable d'estimer sa profondeur sans instruments. Si vous attendez la fin de votre plongée à 60 m pour vous en rendre compte, votre avenir s'annonce sombre.


    Les instruments ne vous dispensent pas d'un minimum de technique et de bon sens : il faut savoir piloter à vue avant de vouloir piloter aux instruments.


    6.7/ L'utilisation de l'ordinateur


    L'ordinateur est souvent mis en cause dans les accidents de décompression. Les statistiques disent d'un coté que 70 (ou 80 % ça ne veut de toute façon pas dire grand-chose) des plongeurs qui passent au caisson utilisaient un ordinateur. Ce à quoi les marchands d'ordinateur répondent que les statistiques sont faussées car précisément, les possesseurs d'ordinateurs sont ceux qui plongent le plus et sont donc le plus exposés aux accidents. En général à partir de là, le débat dégénère les "proordinateurs" accusant les "anti" d'être des vieux fossiles opposés au progrès, les "anti" accusant les "pro" d'être des marchands cyniques et sans scrupules prêts à mettre en danger la vie des plongeurs en vendant des matériels qui n'ont jamais été validé sérieusement.

    Je ne trouve pas très utile de m'enfoncer dans ce débat et ces arguments spécieux. Il n'y a pour le moment aucune étude sérieuse sur le sujet : les fabricants sont incapables de se payer des campagnes d'essais un tant soit peu sérieuses et les ordinateurs sont, par leurs principes mêmes, impossibles à tester exhaustivement. D'un autre coté les statistiques (et encore, on ne peut pas parler de statistiques, les chiffres en question portant sur quelque centaines d'accidents) sont effectivement très biaisées et souvent les comptes rendus d'accidents rapportent la présence de divers facteurs favorisants.

    En attendant mieux on peut quand même noter quelques points.

  • Sur les plongeurs :

  • Il semble que les utilisateurs d'ordinateurs se répartissent en majorité dans deux groupes :

    des plongeurs expérimentés (Moniteurs, démonteurs d'épaves...) qui utilisent les ordinateurs pour faire, sans trop se soucier de leur décompression des plongées,"un peu limites",que souvent les tables n'autorisent pas (profondeur, temps très importants, profils complexes, ascenseur, successives multiples...).

    Des touristes argentés, qui ignorent tous des dangers de la plongée en général et de l'accident de décompression en particulier et qui ne sont pas dans une forme physique olympique.

    Ces deux groupes constituent évidemment des groupes à haut risque pour l'accident de décompression (et les autres accidents d'ailleurs).

  • Sur l'ordinateur
  • L'ordinateur a des performances techniques qui dépassent très largement son domaine d'emploi raisonnable : la cellule de mesure est garantie à 20 bars, au moins, le chrono peut tourner 99 min (même à 99 m), quant à l'algorithme de calcul il est purement mathématique et il peut bien fonctionner jusqu'au centre de la terre... Par contre cet algorithme n'est certainement plus représentatif du corps humain au delà d'un certain domaine temps/profondeur. Ce qui est très grave, c'est que les fabricants et les vendeurs sont généralement incapables de fournir des indications valables sur ce domaine d'emploi.


    Les algorythmes des ordinateurs sont basés sur les mêmes calculs que ceux des tables, toutes les données disponibles pour paramètrer ces calculs ont été établies pour des plongées "carrées". Les ordinateurs extrapolent des plongées carrées vers des profils optimisés, cela ne s'appuie sur aucune base médicale. Il y a des profils pour lequels cela marche plutôt bien, il y a des profils pour lequels on est pratiquement certain que cette extrapolation ne marche pas (profils descendants).


    Certain ordinateurs prétendent calculer plus de deux plongées par jours, c'est un non sens complet du point de vue physiologique.

    Il semble bien que le manque d'information se combine avec les inconvénients propres à l'ordinateur pour causer un nombre d'accidents important.

    Si rien ne permet de dire que l'ordinateur cause directement accidents, on peut par contre certainement le classer parmi les facteurs favorisants : pris isolément il ne cause pas d'accident de décompression, cumulé avec d'autres facteurs, il devient dangereux.

    l'ordinateur est un instrument qui permet de faire des plongées "tranquilles" dans des conditions "tranquilles". En anticipant sur le chapitre ordinateur du cours matériel on peut déjà dire :


    * Pas de plongée profonde : calculer à l'ordinateur des décompressions pour des plongées à 80 m ce n'est sans doute pas très raisonnable même si la machine continue à donner des chiffres. A ce propos nous rappelons que la limite de la plongée à l'air se situe aux alentours de 60 m (essoufflement).


    * Pas de plongée "dure" ("ascenseur" ou "yoyo", travail, plongée sous glace, spéléo...).

    * Pas de profils descendants (profil ou la plus grande profondeur est atteinte en fin plongée).

    La figure 12 résume ces différents facteurs favorisants. On notera également que certain des facteurs favorisants sont aussi des facteurs aggravants de l'accident qui se produit : un homme jeune récupère mieux qu'un vieux, des séquelles antérieures réduisent les possibilités de reconstructions, la profondeur augmente la quantité d'azote présente dans le corps...



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