Accident de décompression | ||
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Les accidents de décompression dans les bouteilles de bières sont certes passionnants mais ceux qui nous intéressent se passent dans le corps humain. Nous allons voir que le tissus vivant joue un rôle complexe dans l'accident de décompression.
Dans le corps humain, la plupart des tissus n'ont pas de surface d'échange avec l'air, l'échange gazeux avec l'atmosphère se fait essentiellement par l'intermédiaire du sang, le sang échangeant à son tour des gaz avec l'atmosphère par les alvéoles pulmonaires.
Nous voyons donc se dessiner un mécanisme d'échange des gaz à au moins 2 étages : dissolution gaz/liquide dans le sang par l'interface pulmonaire, puis diffusion en phase liquide des gaz dissous dans le sang.
Nous allons étudier les 2 fonctions qui ont un rôle majeur dans les échanges de gaz entre l'organisme et l'atmosphère : la ventilation et la circulation. Nous donnerons quelques éléments sur les mécanisme de croissance des bulles, ou au moins sur les hypothèses actuellement étudiés.
Il y plusieurs surfaces d'échange gaz/tissus possibles : les poumons bien sur mais aussi la peau et toutes les cavités sèches du corps humain (sinus, oreille moyenne...). Toutes ces surfaces sont suceptibles de jouer un rôle dans la dissolution de l'azote mais leur importance respective ne sera pas du tout la même : les poumons représentent une surface d'échange de l'ordre de 100 m2 (Surface au sol d'un très bel appartement), la peau quelque m2 tandis que les sinus et cavités diverses se comptent en cm2. De plus dans les poumons la circulation des fluides est énergique (circulation et ventilation),alors que dans le cas de la peau la circulation d'air (si air il y a) sera très limitée, quand au renouvellement de l'air dans les sinus et l'oreille moyenne il est quasiment nul.
Nous pouvons donc négliger le rôle des cavités sèches pour le plongeur sportif à l'air. A titre culturel ont peut noter que les cavités de l'oreille moyenne peuvent être à l'origine d'accidents vestibulaire lors de certaine procédures de décompression dans le cas de plongées aux mélanges héliox (accidents par contre diffusion isobare lors d'un changement de mélange).
Le rôle de la peau n'est lui pas totalement négligeable dans certain accidents particuliers. En effet dans le cas de plongée en vêtement secs ou de compression en caisson, la peau et particulièrement sa couche grasse dissout directement l'azote de l'air ambiant, ce qui favorise les accidents cutanés (puces et moutons). Néanmoins nous pourrons considérer le rôle de la peau comme relativement mineur pour ce qui nous concerne :
La figure 4 présente le schéma classique de la circulation sanguine et la figure 5 son interprétation orientée vers les phénomènes de saturation. Sur cette figure, les échanges gazeux sont orientés dans le sens d'une saturation.
La figure 5 permet de se faire une idée de la complexité des mécanismes d'échanges gazeux dans le corps humain. Cette complexité apparait encore plus grande si l'on sait que la plupart des paramètres qui sont cités ne sont pas mesurables et sont de toutes façons très variables d'une personne à l'autre et chez un même individu d'un moment à l'autre.
On peut citer entre autre, le froid, l'effort, la fatigue, la qualité de la ventilation... Prenons par exemple, un plongeur qui commence sa plongée en ayant chaud et en palmant énergiquement : il sature vite et beaucoup. A l'inverse, aux paliers il se gèle et ne bouge pas : il désature beaucoup moins vite. Cette dissymétrie peut suffire à causer un accident de décompression. Les tables sont calculées avec suffisamment de marge pour tenir compte de cette dissymétrie inévitable, si elle reste dans des proportions raisonnables. Les tables ont donc un domaine d'utilisation dont il ne faut pas sortir : pas de travail au fond, pas de plongée en état de fatigue intense, utilisation d'une protection thermique adaptée...
Par conséquent, sauf cas de remontée extrêmement rapide, le sang de la petite circulation et plus généralement le sang artériel n'est pratiquement jamais en état de sursaturation très notable.
Toujours au niveau du poumons le très petit diamètre des vaisseaux bloque le passage des bulles qui seraient présentes dans le sang veineux. Ces bulles piégées dans les capillaires pulmonaires repassent (plus ou moins bien) dans l'air alvéolaire.
Les atteintes des fonctions neurologiques hautes (cerveau) et les atteintes cardiaques seront plutôt rares dans le cas de l'accident de décompression sauf dans les cas les plus graves. Ces atteintes sont plutôt caractéristiques de la surpression pulmonaire (n'oublions quand même pas que les deux accidents peuvent être couplés).
A partir du moment ou il y a eu apparition de bulles il n'y a plus de possibilité de retour à une décompression normale : nous ne sommes pas dans une bouteille d'eau minérale, mais dans un organisme vivant, les bulles ne vont pas remonter à la surface mais se bloquer à divers endroits et provoquer divers troubles.
La tension superficielle est une force de rétraction qui existe à la surface de tout liquide en contact avec un gaz (c'est cette force qui donne sa forme et son élasticité à une bulle de savon, ou qui courbe la surface de l'eau dans un verre).
Chacune de ces bulles se comporte comme une petite surface d'échange gaz/liquide et nous allons pouvoir lui appliquer la loi de Henry : Si Pi est trop faible par rapport à la quantité d'azote contenu dans le tissu qui l'entoure, le tissu sera en état de sursaturation par rapport à la bulle.
Ces deux règles impliquent que les bulles sont forcèment instables : à partir du moment où une bulle existe elle ne pourra que grossir. Cette tendance est amplifiée si la pression absolue elle même diminue.
On peut distinguer 2 étages dans les troubles causés par les bulles : les troubles résultant de l'action mécanique directe des bulles et ceux dûs aux réactions biologiques de l'organisme face à ces corps étrangers.
Avec l'ischémie et l'encombrement de la circulation pulmonaire on voit se dessiner un cercle vicieux de décompression anormale : les bulles gênent la désaturation, la mauvaise désaturation crée des bulles. Ce mécanisme se complique un peu à cause d'autres réactions physiologiques de l'organisme (figure 7).
Après l'accident de décompression il va se produire une maladie de décompression. C'est une maladie à part entière qui a son mécanisme propre et qui va évoluer selon ses propres régles.
Au total nous aurons comme conséquences principales des perturbations locales (oedèmes et ischémies) et générales de la circulation (pouvant aller jusqu'à la détresse cardio-ventilatoire) et une perturbation des échanges gazeux.
Tous ces phénomènes vont dans le sens de la réduction de la désaturation et de l'hypoxie. Ceci provoque donc l'augmentation de la taille et du nombre des bulles (bullage en cascade), l'aggravation des lésions et la libération de nouveaux médiateurs chimiques. La maladie de décompression est un cercle vicieux (figure 7 et figure 8 pour une approche plus complète).
Les agrégats de plaquettes subsistent même après la disparition des bulles qu'ils entourent et continuent à provoquer des obstructions ou au moins un ralentissement de la circulation, ainsi que de nouveaux phénomènes de coagulation sanguine. Les médiateurs chimiques continuent à provoquer des réactions indépendamment des lésions qui les ont crées. Les réactions induites par les bulles vont durer au-delà de l'existence des bulles qui les ont provoquées.
Les notions que nous venons de voir sont extraites des théories de Haldane et sont des adaptations des loi de Dalton, de Henry et de Mariotte. Pour construire son modèle Haldane a pris certaine libertés avec la physique. La notion de sursaturation critique est une commodité inventée pour l'occasion, elle n'a pas vraiment de sens physique, la formation de bulles dépend de trop de conditions : la présence d'impuretés, la nature des parois du récipient, l'agitation mécanique... Selon les conditions d'expérience ont peut, pour un même liquide et un même gaz, faire des mesures de seuil de sursaturation critique variant dans un rapport 1 à 100.
Le modèle haldanien suppose qu'il ne se produit aucune formation de bulles lors des plongées normales. Cette approche entièrement basée sur des processus physiques n'est plus suffisante pour expliquer les phénomène constatés "in vivo" tels qu'on les connait aujourd'hui.
En particulier même au cours d'une plongée normale on constate la présence de bulles dans le sang (bulles "silencieuse" ou "asymptomatique"). Cette découverte à été rendue possible par les moyens d'étude modernes en particulier l'observation au sonar Doppler (noter que cette découverte n'est pas toute jeune : elle date des années cinquante).
Les liquides relativement purs peuvent supporter des sursaturations très importantes sans que se produise un dégazage avec formation de bulles. Ceci est dû au fait que pour se former et croître les bulles doivent vaincre la pression hydrostatique et surtout la pression due à la tension superficielle. Ce qui est important c'est que, dans une bulle, la pression due à la tension superficielle devient très grande quand le volume de la bulle est très petit (elle devient presque infinie quand le volume devient presque nul).
Dans ces conditions on ne voit pas d'où les gaz peuvent tirer leur énergie pour vaincre cette pression et faire grossir une bulle. Les bulles ne peuvent pas apparaître dans l'organisme par le fait d'un simple état de sursaturation : elle ont besoin d'un apport d'énergie extérieur.
Pour expliquer la croissance d'une bulle il faut supposer l'existence de noyau gazeux et trouver des mécanismes suceptibles d'apporter l'énergie nécessaire pour les faire grossir, ou, imaginer des conditions de croissance permettant au bulles de se passer de cet apport d'énergie.
Les 2 premières hypothèses supposent une géométrie particulière des bulles (bulle à surface plane), au cours de leur croissance, qui annule l'action de la tension superficielle. Les 2 autres reposent sur un apport d'énergie externe.
Il y a sans doute d'autres hypothèses mais ces 4 là suffisent à dépasser largement le cadre de ce cours.Il faut noter au moins à propos des deux dernières hypothèses que l'effort physique augmente fortement la production de bulles. De fait, lors des mesures au sonar Doppler, on observe de très fortes augmentations des quantités de bulles circulantes lors des efforts et des augmentations de débit cardiaque. Cela ne suffit pourtant pas à les invalider les 2 premières : l'augmentation du débit sanguin est suceptibles de favoriser l'arrachement des bulles des parois et de les entraîner en plus grand nombre dans la circulation sanguine.
Pour en revenir à un niveau plus terre à terre, regardez attentivement les bulles qui se forment dans votre verre de bière : elles se forment soit sur les parois, soit en plein liquide, mais toujours aux mêmes endroits (sans doute y a t'il là une petite particule solide ou un petit germe gazeux). Vous pouvez également essayer de vérifier l'hypothèse de l'apport d'énergie extérieur en secouant la bouteille, le résultat est garanti.
Les méthodes les plus récentes utilisent des notions de volumes critiques pour déterminer si une bulle risque ou non de devenir dangereuse. Dans ces méthodes on prend en compte la tension superficielle des bulles, la loi de Mariotte, et les échanges bulles/tissus.
Théoriquement ceci permet de prévoir l'évolution de la taille de bulles et de calculer une décompression qui limite cette taille à une valeur acceptable.Néanmoins ces méthodes butent souvent sur la difficulté de modéliser l'action des agrégations plaquettaires in vivo autour des bulles et sur le fait que les modèles des bulles sont forcément dynamiques (les bulles sont instables).
Par ailleurs, pas plus que dans les modèles haldanien on n'a un accès direct aux grandeurs intéressantes (les mesures in vitro, ou les dissections et autopsies ne donnent pas de résultats utilisables). On est amené a faire des identifications statistiques (minimisation de critères, moindre carrés) d'après des expériences globales.
Tous cela fait que la plupart des modèles utilisant les théories du volume critique ne sont pas vraiment meilleurs que les autres. La plupart des tables actuellement opérationnelles sont encore calculées à partir de modèles haldaniens plus ou moins améliorés.
Dans le mécanisme de l'accident de décompression nous avons parlé du rôle de la loi de Mariotte dans la croissance de la taille des bulles. Nous avons vu de plus que toutes les décompressions provoquent des bulles silencieuses. Ces bulles resteront silencieuses (non pathogènes) si on laisse au poumon le temps de les éliminer et si elles n'augmentent pas trop rapidement de taille.
Une remontée trop rapide va provoquer un afflux important de bulles au niveau du poumon tandis que la chute de pression va provoquer une croissance rapide de leur diamètre.
Ceci va se traduire par un encombrement de la circulation pulmonaire, par l'afflux de bulles arrivant dans les capillaires pulmonaires et aussi par un blocage de bulles à certain endroits du circuit veineux. Selon la rapidité de la remontée et l'importance de la saturation lors du départ du fond les effets seront plus ou moins brutaux ou insidieux :
Dans certain cas le poumon peut être complètement débordé dans son rôle de piège à bulle et laisser passer des bulles dans la circulation artérielle, avec embolies gazeuses et atteinte du cerveau.
Le blocage d'une bulle circulante provoque une compression et/ou une anoxie d'un tissu.Mêmes si la quantité de bulles produites lors de la remontée trop rapide n'est pas suffisante en elle même pour provoquer des désordres insupportables, elles peuvent créer des conditions de désaturation suffisamment mauvaise pour entraîner par la suite un accident de décompression.
Les capillaires pulmonaires sont encombrés par les bulles ce qui ralentit l'élimination de l'azote. La circulation est ralentie voire bloquée par endroits ce qui veut dire que certains tissus (moelle épinière en particulier) ne vont pas "faire les paliers",n'étant plus irrigués par le sang artériel.
Même si les paliers sont faits, ils sont inefficaces. Une minute de moins pendant la remontée peut annuler l'effet de dix minutes de paliers.On a vu que les bulles diminuent l'efficacité des paliers de décompression mais cela peut encore être insuffisant pour provoquer un accident de décompression franc en sortie de plongée. Néanmoins cette décompression anormale laisse des traces qui peuvent encore se payer lors de la deuxième plongée : la quantité d'azote résiduel est bien supérieur à ce que le groupe de plongée successive annonce et la désaturation pendant l'intervalle entre les deux plongées se fera plus lentement que ne le prévoient les tables. Si vous êtes "passé à travers les gouttes" à la première plongée vous payerez à la deuxième plongée
Une remontée à une vitesse anormale doit limiter la possibilité d'une deuxième plongée (limitation de profondeur et de temps, recherche d'un intervalle maximum).
Le mécanisme réel de l'accident de décompression est beaucoup plus complexe que ne le laisse supposer le modèle de Haldane que nous avons décrit au chapitre 3.
En particulier même au cours d'une plongée normale il y a formation de bulles. Même si elles ne sont pas directement pathogènes, ces bulles sont des corps étrangers qui agressent de notre organisme. Ces agressions se cumulent si on ne laisse pas à l'organisme le temps de récupérer : la première plongée perturbe le fonctionnement de l'organisme et le sensibilise à l'agression de la deuxième plongée. Ceci explique qu'il n'y ait aucune procédure permettant de prendre en compte dans des conditions raisonnables plus de 2 plongées.
Néanmoins à l'heure actuelle, faute de critère pratiquement utilisable pour déterminer si une décompression est pathogène ou non, la plupart des tables sont toujours établies à partir de modèles haldaniens (avec des améliorations quand même). La sécurité des procédures de décompression est donc assurée en prenant de larges "marges" par rapport aux tolérances connues de l'organisme. Cela explique que parfois on peut "shunter" un palier sans faire un accident.
Néanmoins une accumulation de facteurs favorisants peut faire que cette "marge" est complètement grignotée et qu'un accident se produit malgré le respect de la procédure de remontée. Ce sont les fameux accidents "immérités". Dans tous les cas il ne faut pas compter sur les marges théorique pour prendre des libertés avec les procédures de décompression.
Une procédure de décompression doit être vue comme un traitement médical qui empêche une situation anormale (la désaturation) de dégénérer, plutôt que comme une méthode mathématique infaillible pour "remettre les compteurs à zéro".
Les tables sont un des éléments d'une préscription globale qui comprend des consignes d'organisation de plongée, des prescription de mode de vie et des limites d'utilisation.
La vitesse de remontée est sans doute le facteur le moins maîtrisé, aussi bien au niveau théorique que par les plongeurs eux mêmes. La vitesse préconisée actuellement, 15 à 17 m/min, est le fruit d'un compromis laborieux. Cette vitesse semble bien tolérée par des hommes jeunes et entraînés, elle semble un peu élevée pour des individus en moins bonne condition physique. En pratique sportive, il vaut certainement mieux utiliser les MN 90 avec une vitesse de l'ordre de 12 m/min.
Certains objecterons que cela augmente la saturation des compartiments longs. C'est peut être vrai théoriquement, mais en pratique sportive, il faut tenir compte de 2 points clefs :
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