Accident de décompression

page précédente
Mécanisme
[ table des matiéres ]
[ Retour a la page d'accueil ]
[ liste générale des documents ]
page suivante
Les zones favorables à l'accident de décompression

4/ Notions de physiologie se rapportant à l'accident de décompression


Les accidents de décompression dans les bouteilles de bières sont certes passionnants mais ceux qui nous intéressent se passent dans le corps humain. Nous allons voir que le tissus vivant joue un rôle complexe dans l'accident de décompression.


Dans le corps humain, la plupart des tissus n'ont pas de surface d'échange avec l'air, l'échange gazeux avec l'atmosphère se fait essentiellement par l'intermédiaire du sang, le sang échangeant à son tour des gaz avec l'atmosphère par les alvéoles pulmonaires.

Nous voyons donc se dessiner un mécanisme d'échange des gaz à au moins 2 étages : dissolution gaz/liquide dans le sang par l'interface pulmonaire, puis diffusion en phase liquide des gaz dissous dans le sang.


Nous allons étudier les 2 fonctions qui ont un rôle majeur dans les échanges de gaz entre l'organisme et l'atmosphère : la ventilation et la circulation. Nous donnerons quelques éléments sur les mécanisme de croissance des bulles, ou au moins sur les hypothèses actuellement étudiés.



4.1/ Les surfaces d'échanges gaz/tissus


Il y plusieurs surfaces d'échange gaz/tissus possibles : les poumons bien sur mais aussi la peau et toutes les cavités sèches du corps humain (sinus, oreille moyenne...). Toutes ces surfaces sont suceptibles de jouer un rôle dans la dissolution de l'azote mais leur importance respective ne sera pas du tout la même : les poumons représentent une surface d'échange de l'ordre de 100 m2 (Surface au sol d'un très bel appartement), la peau quelque m2 tandis que les sinus et cavités diverses se comptent en cm2. De plus dans les poumons la circulation des fluides est énergique (circulation et ventilation),alors que dans le cas de la peau la circulation d'air (si air il y a) sera très limitée, quand au renouvellement de l'air dans les sinus et l'oreille moyenne il est quasiment nul.


Nous pouvons donc négliger le rôle des cavités sèches pour le plongeur sportif à l'air. A titre culturel ont peut noter que les cavités de l'oreille moyenne peuvent être à l'origine d'accidents vestibulaire lors de certaine procédures de décompression dans le cas de plongées aux mélanges héliox (accidents par contre diffusion isobare lors d'un changement de mélange).


Le rôle de la peau n'est lui pas totalement négligeable dans certain accidents particuliers. En effet dans le cas de plongée en vêtement secs ou de compression en caisson, la peau et particulièrement sa couche grasse dissout directement l'azote de l'air ambiant, ce qui favorise les accidents cutanés (puces et moutons). Néanmoins nous pourrons considérer le rôle de la peau comme relativement mineur pour ce qui nous concerne :


  • le froid provoque une diminution de l'irrigation de la peau ce qui fait que l'azote qui s'y dissout ne peut pratiquement pas se répandre dans le reste de l'organisme.

  • les accidents cutanés sont inexistant chez le plongeur en vêtement humide pour lequel il n'y a pas d'air au contact de la peau et qui est soumis à des cycles thermiques très différents de ceux des caissons.

  • Dans le cas du plongeur sportif en vêtement humide et plongeant à l'air nous pouvons simplifier le tableau :

    La seule surface d'échanges importante est constituée par les alvéoles pulmonaires.

    4.2/ La circulation, rôle dans le transport des gaz.


    La figure 4 présente le schéma classique de la circulation sanguine et la figure 5 son interprétation orientée vers les phénomènes de saturation. Sur cette figure, les échanges gazeux sont orientés dans le sens d'une saturation.


    Cette figure se lit de la manière suivante :

  • le gaz pénètre dans les poumons lors de l'inspiration. Le débit du gaz dépend de la différence de pression entre la bouche et les poumons ainsi que des résistances à l'écoulement.

  • le gaz "frais" diffuse (se mélange avec le gaz "vicié" qui est resté après l'expiration) dans les alvéoles des poumons. La composition de l'air intra- alvéolaire tend à s'uniformiser.

  • Le gaz se dissout dans le sang à travers la membrane alvéolo-capillaire

  • Le sang artériel chargé en gaz irrigue les tissus et céde du gaz dissous à ceux qui ne sont pas encore aussi chargés que lui (diffusion en phase dissoute).

  • Le sang veineux appauvri en gaz dissous retourne vers le poumons où il va à nouveau se charger.

  • pour une désaturation, tous les sens d'échanges sont inversés.
    A priori ce mécanisme ressemble à celui du transport des gaz actifs (au mode de présence du gaz prés).

    2 phénomènes parasites compliquent un peu ce mécanisme :

  • Il existe au niveau du poumons un certain nombre de "shunts artério-veineux" qui font que tous le sang passant par circulation pulmonaire n'est pas mis en contact avec le gaz. Le rôle de ces "shunts" est de réguler les échanges de gaz actifs (O2 et CO2) en fonction des besoins du moment, en réglant le débit du sang dans la circulation pulmonaire.

  • Les artères et les veines sont physiquement proches les unes des autres sur une grande partie de leur trajet (on dit qu'elle sont "coalescentes"). Le sang le plus chargé en gaz va en céder à celui le moins chargé. Le sang veineux et le sang artériel circulant côte à côte mais en sens opposé on parle d'échangeur à "contre courant".

  • Il faut noter qu'aucun de ces deux phénomènes n'est correctement modélisés par les diverses théories de la décompression.

    La figure 5 permet de se faire une idée de la complexité des mécanismes d'échanges gazeux dans le corps humain. Cette complexité apparait encore plus grande si l'on sait que la plupart des paramètres qui sont cités ne sont pas mesurables et sont de toutes façons très variables d'une personne à l'autre et chez un même individu d'un moment à l'autre.


    On peut quand même tirer de cette figure quelques tendances.

  • Les quantités de gaz dissoutes dans les différents tissus et la facilité avec laquelle ils vont désaturer dépend fortement de la circulation sanguine dans ces tissus. Tous les paramètres influant sur la circulation influeront sur les risques d'accident de décompression.
  • On peut citer entre autre, le froid, l'effort, la fatigue, la qualité de la ventilation... Prenons par exemple, un plongeur qui commence sa plongée en ayant chaud et en palmant énergiquement : il sature vite et beaucoup. A l'inverse, aux paliers il se gèle et ne bouge pas : il désature beaucoup moins vite. Cette dissymétrie peut suffire à causer un accident de décompression. Les tables sont calculées avec suffisamment de marge pour tenir compte de cette dissymétrie inévitable, si elle reste dans des proportions raisonnables. Les tables ont donc un domaine d'utilisation dont il ne faut pas sortir : pas de travail au fond, pas de plongée en état de fatigue intense, utilisation d'une protection thermique adaptée...


  • Etant donné la très grande surface de contact au niveau des alvéoles et le très petit diamètre des vaisseaux le sang qui quitte les poumons et passe dans la petite circulation est pratiquement en équilibre avec l'air alvéolaire (l'échangeur à contre courant et les shunts arterio-veineux font que cette hypothèse n'est pas totalement valable).
  • Par conséquent, sauf cas de remontée extrêmement rapide, le sang de la petite circulation et plus généralement le sang artériel n'est pratiquement jamais en état de sursaturation très notable.


  • Le sang veineux, lui, draine des quantités importantes d'azote venant des tissus qui sont en train de désaturer.

  • Les bulles se rencontrent essentiellement dans le circuit veineux.

    Toujours au niveau du poumons le très petit diamètre des vaisseaux bloque le passage des bulles qui seraient présentes dans le sang veineux. Ces bulles piégées dans les capillaires pulmonaires repassent (plus ou moins bien) dans l'air alvéolaire.


    Le poumons joue le rôle d'un piège à bulles.

    L'encombrement de la circulation pulmonaire par les bulles va gêner tous les échanges gazeux et, entre autre, l'élimination de l'azote.

  • Il faudra un accident de décompression très massif, provoquant un encombrement important de la circulation pulmonaire pour que des bulles puissent passer ce piège et se retrouver dans la circulation artérielle.

  • Les atteintes des fonctions neurologiques hautes (cerveau) et les atteintes cardiaques seront plutôt rares dans le cas de l'accident de décompression sauf dans les cas les plus graves. Ces atteintes sont plutôt caractéristiques de la surpression pulmonaire (n'oublions quand même pas que les deux accidents peuvent être couplés).


    4. 3/ L'action des bulles, la maladie de décompression.


    A partir du moment ou il y a eu apparition de bulles il n'y a plus de possibilité de retour à une décompression normale : nous ne sommes pas dans une bouteille d'eau minérale, mais dans un organisme vivant, les bulles ne vont pas remonter à la surface mais se bloquer à divers endroits et provoquer divers troubles.


    Les bulles et les lois physiques

    La loi de Mariotte.

    Les bulles sont de petites poches de gaz : nous allons pouvoir nous intéresser à la pression des gaz dans cette bulle et appliquer la loi de Mariotte.
    La pression au sein de la bulle a deux origines : la pression absolue (cela on y est habitué) et la tension superficielle, ce qui est moins classique.

    La tension superficielle est une force de rétraction qui existe à la surface de tout liquide en contact avec un gaz (c'est cette force qui donne sa forme et son élasticité à une bulle de savon, ou qui courbe la surface de l'eau dans un verre).


    On peut donc décomposer la pression Pi à l'intérieur de la bulle en 2
    termes : Pi = Pabs + Pts

    Si l'on appelle Ts la valeur de la force de tension superficielle à la surface de la bulle et D son diamètre on peut démontrer facilement que :
    Pts = 4.Ts/D

    Cette formule ne m'intéresse pas vraiment mais par contre elle permet aux matheux de tirer les conclusions suivantes :

  • Dans une bulle, la pression due à la tension superficielle devient très grande quand le volume de la bulle est très petit (elle devient presque infinie quand le volume devient presque nul). Donc pour les toutes petites bulles qui nous intéressent Pts est un terme au moins aussi important que Pabs.

  • Pts diminue quand la taille de la bulle augmente.

  • La loi de Henry.

    Chacune de ces bulles se comporte comme une petite surface d'échange gaz/liquide et nous allons pouvoir lui appliquer la loi de Henry : Si Pi est trop faible par rapport à la quantité d'azote contenu dans le tissu qui l'entoure, le tissu sera en état de sursaturation par rapport à la bulle.


  • le tissu va se décharger vers la bulle et la faire grossir.

  • Pour résumer on peut exprimer les deux règles suivantes :

    Quand les bulles grossissent leur pression intérieure diminue (loi sur la tension superficielle).
    Quand la pression dans les bulles diminuent elles grossissent (loi de Mariotte et loi de Henry).

    Ces deux règles impliquent que les bulles sont forcèment instables : à partir du moment où une bulle existe elle ne pourra que grossir. Cette tendance est amplifiée si la pression absolue elle même diminue.


    Les bulles et la physiologie

    La figure 6 résume le comportement des bulles dans le corps

    On peut distinguer 2 étages dans les troubles causés par les bulles : les troubles résultant de l'action mécanique directe des bulles et ceux dûs aux réactions biologiques de l'organisme face à ces corps étrangers.


    L'action directe (accident bullaire primitif)

  • Les bulles obstruent mécaniquement les vaisseaux sanguins ce qui prive les tissus d'oxygène, d'évacuation des déchets et d'élimination de l'azote (ischémie).

  • Les bulles compriment les filets nerveux provoquant des douleurs, des sensations sans causes de type picotement par exemple (paresthésies), des insensibilités, voire des paralysies.

  • Les bulles abiment les parois des vaisseaux sanguins, soit en se dilatant à l'intérieur de ceux ci, soit en passant du tissu vers le vaisseau à travers la paroi.

  • En amont des obstructions le sang stagne (stase) et se trouve à une pression trop élevée. Ceci cause une fuite de plasma vers les tissus donc un oedème.

  • Quand elles se forment dans les tendons, qui sont formés de fibres toutes orientées dans une seule direction (on dit que ce sont des tissus anisotropes), les bulles ne peuvent pas grossir avec une forme sphérique et tendent à s'aplatir et à former un coin qui sépare les fibres.

  • L'encombrement de la circulation pulmonaire ralentit l'élimination de l'azote par les poumons et favorise une hypoxie générale.

  • Les tissus graisseux étant particulièrement aptes à se charger en azote, les lésions seront particulièrement importantes dans ceux ci. Une partie des graisses des tissus vont étre libérées et passer dans le sang, causant des embolies graisseuses, en particulier au niveau des poumons. Ces embolies ne sont pas réduites par la recompression thérapeutique, elle ne peuvent être éliminées que par le métabolisme, or ce processus est particulièrement lent. Les embolies graisseuses perturbent durablement les echanges gazeux.

  • L'action indirecte, la maladie de décompression.

    Avec l'ischémie et l'encombrement de la circulation pulmonaire on voit se dessiner un cercle vicieux de décompression anormale : les bulles gênent la désaturation, la mauvaise désaturation crée des bulles. Ce mécanisme se complique un peu à cause d'autres réactions physiologiques de l'organisme (figure 7).


  • Chacune des bulles est pour l'organisme un corps étranger et une cause de lésion des cellules. Le corps et en particulier le sang va déclencher ses mécanismes de réparations : chaque bulle sera traitée un peu comme une blessure et entourée d'une coque de sang coagulé (agrégation plaquettaire). Cette agrégation plaquettaire dans le corps va accroître les obstructions dues aux bulles, freiner les échanges des bulles avec les tissus et gêner leur redissolution lors du traitement thérapeutique.

  • Chaque cellule lésée libère dans le sang des médiateurs chimiques (signaux de souffrance cellulaire). Le mécanisme d'agrégation plaquettaire libère dans le sang d'autres médiateurs qui se rajoutent à ceux libérés par les cellules. Ils sont très divers et leurs actions multiples. Leur rôle est tout à fait central dans la maladie de décompression.

  • Ces signaux chimiques provoquent dans le corps un choc proche du choc allergique, avec les effets suivants : diminution du volume sanguin (hypovolhémie) et diminution du débit cardiaque.

  • Certains médiateurs sont causes de vasoconstriction ce qui aggrave les obstructions, les ischémies et les dégazages locaux.

  • Certain médiateurs provoquent aussi de nouvelles agrégations plaquettaires en chaîne et causent une Coagulation Intra-Vasculaire Disséminée qui aggrave le choc et ses conséquences.

  • Certain médiateurs ont pour effet d'augmenter la perméabilité vasculaire, ceci se rajoutant aux lésions dues aux bulles, une partie du plasma va passer dans les tissus (aggravation de l'hypovolhémie et des oedèmes)

  • La baisse du volume sanguin et les phénomènes d'agrégation (sludge en anglias) provoquent une augmentation de la viscosité sanguine et par conséquent, aggravent le dégazage local.

  • Certain médiateurs ont un effet de broncho-constriction alvéolaire, diminuant les échanges gazeux et renforçant le rôle des embols gazeux et graisseux pulmonaires.

  • Après l'accident de décompression il va se produire une maladie de décompression. C'est une maladie à part entière qui a son mécanisme propre et qui va évoluer selon ses propres régles.

    Au total nous aurons comme conséquences principales des perturbations locales (oedèmes et ischémies) et générales de la circulation (pouvant aller jusqu'à la détresse cardio-ventilatoire) et une perturbation des échanges gazeux.

    Tous ces phénomènes vont dans le sens de la réduction de la désaturation et de l'hypoxie. Ceci provoque donc l'augmentation de la taille et du nombre des bulles (bullage en cascade), l'aggravation des lésions et la libération de nouveaux médiateurs chimiques. La maladie de décompression est un cercle vicieux (figure 7 et figure 8 pour une approche plus complète).


    Ce cercle vicieux aura un effet particulièrement spectaculaire dans les organes mal vascularisés (moelle épinière, oreille interne ...).

    Les agrégats de plaquettes subsistent même après la disparition des bulles qu'ils entourent et continuent à provoquer des obstructions ou au moins un ralentissement de la circulation, ainsi que de nouveaux phénomènes de coagulation sanguine. Les médiateurs chimiques continuent à provoquer des réactions indépendamment des lésions qui les ont crées. Les réactions induites par les bulles vont durer au-delà de l'existence des bulles qui les ont provoquées.


    4.4/ Complément sur les bulles, leur apparition, leur croissance


    Les notions que nous venons de voir sont extraites des théories de Haldane et sont des adaptations des loi de Dalton, de Henry et de Mariotte. Pour construire son modèle Haldane a pris certaine libertés avec la physique. La notion de sursaturation critique est une commodité inventée pour l'occasion, elle n'a pas vraiment de sens physique, la formation de bulles dépend de trop de conditions : la présence d'impuretés, la nature des parois du récipient, l'agitation mécanique... Selon les conditions d'expérience ont peut, pour un même liquide et un même gaz, faire des mesures de seuil de sursaturation critique variant dans un rapport 1 à 100.

    Le modèle haldanien suppose qu'il ne se produit aucune formation de bulles lors des plongées normales. Cette approche entièrement basée sur des processus physiques n'est plus suffisante pour expliquer les phénomène constatés "in vivo" tels qu'on les connait aujourd'hui.

    En particulier même au cours d'une plongée normale on constate la présence de bulles dans le sang (bulles "silencieuse" ou "asymptomatique"). Cette découverte à été rendue possible par les moyens d'étude modernes en particulier l'observation au sonar Doppler (noter que cette découverte n'est pas toute jeune : elle date des années cinquante).


    L'un des très gros points d'interrogation à propos de l'accident de décompression reste aujourd'hui le mécanisme de formation des bulles :

  • La découverte de bulles non pathogènes (ne provoquant pas d'accident de décompression) grâce au sonar Doppler oblige à remettre en cause le modèle haldanien ou la désaturation devrait se faire sans bulles.

  • On ne sait pas vraiment si elles se forment dans les tissus ou dans le sang et aucune théorie n'explique valablement leur croissance.

  • Les études in vitro (en éprouvette) de la décompression du sang ne permettent pas d'observer des formations de bulles pour des saturations qui sont pourtant connues comme pathogènes.

  • Dans la mesure ou le modèle haldanien doit être remis en cause il faudrait pouvoir fixer un critère valable permettant de savoir si une décompression sera pathogène ou non.

  • On peut résumer en disant qu'il y a deux problèmes majeurs :

  • Expliquer la formation des bulles.
  • Pouvoir prévoir si les bulles qui se forment seront dangereuses ou pas.

  • La formation des bulles

    Les liquides relativement purs peuvent supporter des sursaturations très importantes sans que se produise un dégazage avec formation de bulles. Ceci est dû au fait que pour se former et croître les bulles doivent vaincre la pression hydrostatique et surtout la pression due à la tension superficielle. Ce qui est important c'est que, dans une bulle, la pression due à la tension superficielle devient très grande quand le volume de la bulle est très petit (elle devient presque infinie quand le volume devient presque nul).

    Dans ces conditions on ne voit pas d'où les gaz peuvent tirer leur énergie pour vaincre cette pression et faire grossir une bulle. Les bulles ne peuvent pas apparaître dans l'organisme par le fait d'un simple état de sursaturation : elle ont besoin d'un apport d'énergie extérieur.

    Pour expliquer la croissance d'une bulle il faut supposer l'existence de noyau gazeux et trouver des mécanismes suceptibles d'apporter l'énergie nécessaire pour les faire grossir, ou, imaginer des conditions de croissance permettant au bulles de se passer de cet apport d'énergie.


    Plusieurs hypothèses semblent tenir actuellement :

  • Une croissance à partir des gaz dissous dans la partie superficielle de la paroi des vaisseaux sanguins.
  • Une croissance des bulles dans les pores des interstices cellulaires.
  • Des frottements à l'intérieur des tissus (tribonucléation).
  • Des phénomènes de cavitation dans la pompe cardiaque (chute de pression importante et localisée due à des turbulences).

  • Les 2 premières hypothèses supposent une géométrie particulière des bulles (bulle à surface plane), au cours de leur croissance, qui annule l'action de la tension superficielle. Les 2 autres reposent sur un apport d'énergie externe.

    Il y a sans doute d'autres hypothèses mais ces 4 là suffisent à dépasser largement le cadre de ce cours.

    Il faut noter au moins à propos des deux dernières hypothèses que l'effort physique augmente fortement la production de bulles. De fait, lors des mesures au sonar Doppler, on observe de très fortes augmentations des quantités de bulles circulantes lors des efforts et des augmentations de débit cardiaque. Cela ne suffit pourtant pas à les invalider les 2 premières : l'augmentation du débit sanguin est suceptibles de favoriser l'arrachement des bulles des parois et de les entraîner en plus grand nombre dans la circulation sanguine.

    Pour en revenir à un niveau plus terre à terre, regardez attentivement les bulles qui se forment dans votre verre de bière : elles se forment soit sur les parois, soit en plein liquide, mais toujours aux mêmes endroits (sans doute y a t'il là une petite particule solide ou un petit germe gazeux). Vous pouvez également essayer de vérifier l'hypothèse de l'apport d'énergie extérieur en secouant la bouteille, le résultat est garanti.


    Critères de danger pour la formation des bulles

    Les méthodes les plus récentes utilisent des notions de volumes critiques pour déterminer si une bulle risque ou non de devenir dangereuse. Dans ces méthodes on prend en compte la tension superficielle des bulles, la loi de Mariotte, et les échanges bulles/tissus.

    Théoriquement ceci permet de prévoir l'évolution de la taille de bulles et de calculer une décompression qui limite cette taille à une valeur acceptable.

    Néanmoins ces méthodes butent souvent sur la difficulté de modéliser l'action des agrégations plaquettaires in vivo autour des bulles et sur le fait que les modèles des bulles sont forcément dynamiques (les bulles sont instables).

    Par ailleurs, pas plus que dans les modèles haldanien on n'a un accès direct aux grandeurs intéressantes (les mesures in vitro, ou les dissections et autopsies ne donnent pas de résultats utilisables). On est amené a faire des identifications statistiques (minimisation de critères, moindre carrés) d'après des expériences globales.

    Tous cela fait que la plupart des modèles utilisant les théories du volume critique ne sont pas vraiment meilleurs que les autres. La plupart des tables actuellement opérationnelles sont encore calculées à partir de modèles haldaniens plus ou moins améliorés.


    4.5/ La vitesse de remontée, la loi de Mariotte, rôle dans la croissance des bulles.


    Dans le mécanisme de l'accident de décompression nous avons parlé du rôle de la loi de Mariotte dans la croissance de la taille des bulles. Nous avons vu de plus que toutes les décompressions provoquent des bulles silencieuses. Ces bulles resteront silencieuses (non pathogènes) si on laisse au poumon le temps de les éliminer et si elles n'augmentent pas trop rapidement de taille.

    Une remontée trop rapide va provoquer un afflux important de bulles au niveau du poumon tandis que la chute de pression va provoquer une croissance rapide de leur diamètre.

    Ceci va se traduire par un encombrement de la circulation pulmonaire, par l'afflux de bulles arrivant dans les capillaires pulmonaires et aussi par un blocage de bulles à certain endroits du circuit veineux. Selon la rapidité de la remontée et l'importance de la saturation lors du départ du fond les effets seront plus ou moins brutaux ou insidieux :


  • Accident direct :

  • Dans certain cas le poumon peut être complètement débordé dans son rôle de piège à bulle et laisser passer des bulles dans la circulation artérielle, avec embolies gazeuses et atteinte du cerveau.

    Le blocage d'une bulle circulante provoque une compression et/ou une anoxie d'un tissu.

  • Accident indirect par blocage de la désaturation :

  • Mêmes si la quantité de bulles produites lors de la remontée trop rapide n'est pas suffisante en elle même pour provoquer des désordres insupportables, elles peuvent créer des conditions de désaturation suffisamment mauvaise pour entraîner par la suite un accident de décompression.

    Les capillaires pulmonaires sont encombrés par les bulles ce qui ralentit l'élimination de l'azote. La circulation est ralentie voire bloquée par endroits ce qui veut dire que certains tissus (moelle épinière en particulier) ne vont pas "faire les paliers",n'étant plus irrigués par le sang artériel.

    Même si les paliers sont faits, ils sont inefficaces. Une minute de moins pendant la remontée peut annuler l'effet de dix minutes de paliers.

  • Accident indirect reporté sur la deuxième plongée :

  • On a vu que les bulles diminuent l'efficacité des paliers de décompression mais cela peut encore être insuffisant pour provoquer un accident de décompression franc en sortie de plongée. Néanmoins cette décompression anormale laisse des traces qui peuvent encore se payer lors de la deuxième plongée : la quantité d'azote résiduel est bien supérieur à ce que le groupe de plongée successive annonce et la désaturation pendant l'intervalle entre les deux plongées se fera plus lentement que ne le prévoient les tables. Si vous êtes "passé à travers les gouttes" à la première plongée vous payerez à la deuxième plongée


    Il est fondamental de respecter la vitesse de remontée durant toutes la remontée et particulièrement à l'approche de la surface.
    Le fait d'avoir plongé "dans la courbe de sécurité" ne dispense pas du respect de cette vitesse.

    Une remontée à une vitesse anormale doit limiter la possibilité d'une deuxième plongée (limitation de profondeur et de temps, recherche d'un intervalle maximum).


    4.3/ Conclusions partielles sur le mécanisme de l'accident de décompression


    Le mécanisme réel de l'accident de décompression est beaucoup plus complexe que ne le laisse supposer le modèle de Haldane que nous avons décrit au chapitre 3.

    En particulier même au cours d'une plongée normale il y a formation de bulles. Même si elles ne sont pas directement pathogènes, ces bulles sont des corps étrangers qui agressent de notre organisme. Ces agressions se cumulent si on ne laisse pas à l'organisme le temps de récupérer : la première plongée perturbe le fonctionnement de l'organisme et le sensibilise à l'agression de la deuxième plongée. Ceci explique qu'il n'y ait aucune procédure permettant de prendre en compte dans des conditions raisonnables plus de 2 plongées.

    Néanmoins à l'heure actuelle, faute de critère pratiquement utilisable pour déterminer si une décompression est pathogène ou non, la plupart des tables sont toujours établies à partir de modèles haldaniens (avec des améliorations quand même). La sécurité des procédures de décompression est donc assurée en prenant de larges "marges" par rapport aux tolérances connues de l'organisme. Cela explique que parfois on peut "shunter" un palier sans faire un accident.

    Néanmoins une accumulation de facteurs favorisants peut faire que cette "marge" est complètement grignotée et qu'un accident se produit malgré le respect de la procédure de remontée. Ce sont les fameux accidents "immérités". Dans tous les cas il ne faut pas compter sur les marges théorique pour prendre des libertés avec les procédures de décompression.


    Une procédure de décompression doit être vue comme un traitement médical qui empêche une situation anormale (la désaturation) de dégénérer, plutôt que comme une méthode mathématique infaillible pour "remettre les compteurs à zéro".

    Les tables sont un des éléments d'une préscription globale qui comprend des consignes d'organisation de plongée, des prescription de mode de vie et des limites d'utilisation.


    La vitesse de remontée est sans doute le facteur le moins maîtrisé, aussi bien au niveau théorique que par les plongeurs eux mêmes. La vitesse préconisée actuellement, 15 à 17 m/min, est le fruit d'un compromis laborieux. Cette vitesse semble bien tolérée par des hommes jeunes et entraînés, elle semble un peu élevée pour des individus en moins bonne condition physique. En pratique sportive, il vaut certainement mieux utiliser les MN 90 avec une vitesse de l'ordre de 12 m/min.

    Certains objecterons que cela augmente la saturation des compartiments longs. C'est peut être vrai théoriquement, mais en pratique sportive, il faut tenir compte de 2 points clefs :


  • la précision de vitesse de remontée étant ce qu'elle est, en visant 12 on à de bonne chance de ne pas dépasser 15 tandis qu'en visant 17 on a toutes les chances de dépasser 20 m/min. Or 20 m/min c'est une vitesse dangereuse, cela par contre on en est sûr.

  • la plupart des accidents se produisent pour des plongées courtes et profondes (types 15 min à 45 m). Dans ces plongées ce sont toujours les compartiments courts qui sont importants.

  • Les tables (toutes les tables du monde, même celles des ordinateurs) ne permettent qu'une seule successive.


    page précédente
    Mécanisme
    [ table des matiéres ]
    [ Retour a la page d'accueil ]
    [ liste générale des documents ]
    page suivante
    Les zones favorables à l'accident de décompression
    logo CIP Les Glenan, l'école :
    http://cip.glenans.free.fr
    © copyright CIP Glenan